La tenue d’élections présidentielles libres et transparentes ou la transmission pacifique du pouvoir sont considérées comme des signes révélateurs de la vitalité démocratique d’un pays mais aussi des éléments de mesure du niveau de maturité d’un peuple. Il est ainsi important voire nécessaire de lever un coin du voile sur l’enjeu vital et le caractère décisif d’élire un Président de la République. Doit-on dire, l’enjeu vital de choisir un Président qui assumera cumulativement les charges de Chef de l’Etat, Chef suprême des Armées, de Président du Conseil supérieur de la Magistrature, de Président du Conseil supérieur de la Défense et de Président du Conseil supérieur de la Sécurité nationale, de garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire, etc. ? S’agit-il aussi d’élire celui qui doit incarner l’unité nationale, définir la politique de la nation et d’en assurer une exécution, celui qui va désormais nommer aux emplois civils et militaires ? C’est bien de cela qu’il s’agit. Au finish, ne s’agit-il pas donc d’élire celui à qui nous allons confier notre destin, notre avenir, notre devenir, notre vie ? En effet, il serait tout à fait pertinent de comparer un président à un commandant de bord, toute proportion gardée : l’équipage constitue l’entourage du président, la destination est sa vision et son itinéraire représente son projet de société. Pour le cas du Sénégal en 2024, si tel était le cas, il s’agira de recruter un commandant de bord pour un vol de nuit dans des conditions météo peu favorables et sur une ligne avec des turbulences fréquentes. Donc, faire une erreur de choix ou de casting, c’est planifier le crash ! Ce qui implique alors qu’il serait grave voire dangereux de ne pas être conséquent dans le recrutement du commandant de bord ou l’élection d’un président de la république. Par ailleurs, François Bayrou, ancien ministre et plusieurs fois candidat à l’élection présidentielle française, disait : « L’élection présidentielle, c’est la rencontre d’un homme et d’un pays, d’un homme et d’un peuple ». Une telle assertion met en exergue le caractère personnel de l’élection et la responsabilité individuelle du candidat vis-à-vis de son peuple. Ce peuple qui, en réalité, élit une personne qu’il tient responsable, non un parti ou une coalition. Il est important de le préciser car les membres de l’équipe d’un candidat et le projet qu’ils portent avec lui deviennent de facto des variables, une fois celui-ci élu. Il ne faut donc pas se tromper d’élection et d’enjeux ! La seule constante, l’invariable est et reste la personne élue ! En réalité, la fonction de Président de la République ne saurait être ni collégiale ni confraternelle. Elle ne saurait être dévolue à un collège ou un duo de présidents, fussent-ils membres d’un même bord ou porteurs du même projet. Il est de même nécessaire de dire clairement qu’il est impossible qu’un ténor politique, ne pouvant se présenter à une élection présidentielle, puisse diriger un pays par procuration à son candidat devenu président, qui agirait sous ses orientations, son influence, son coaching, etc. Aussi, il s’avère irréaliste de pouvoir co-diriger ou télé-diriger un pays comme certains hommes politiques l’insinuent dans leurs discours ou même le font croire à l’occasion d’élections présidentielles. D’ailleurs, les pactes, les ententes, les chartes et autres accords convenus au sein des coalitions ou entre alliés ne valent pas grand-chose devant le Serment d’un Président élu. Ces accords s’affaiblissent, s’anéantissent et disparaissent au fil des années de pratique du pouvoir. Au regard de l’exigence et la complexité de la fiche de poste présidentielle aux missions illimitées, aux responsabilités d’une lourdeur extrême et aux prérogatives d’une importance vitale, il est d’une impérieuse nécessité de procéder avec lucidité et conséquence au recrutement du candidat qui présente le meilleur profil en adéquation avec le poste et la meilleure offre programmatique. Pour ce faire, les électeurs doivent nécessairement s’intéresser sur ces trois (03) P : le Profil du candidat, son Parcours et le Programme ou projet politique qu’il porte. En effet, le Profil du candidat permet de présager de son aptitude à exercer ou à assumer la fonction présidentielle. Son Parcours c’est-à-dire son vécu ou encore les étapes par lesquelles il est passé, en particulier dans sa carrière, permet de jauger ses capacités à gérer un pays. Quant à son Programme, il permet d’apprécier sa vision politique ou ses intentions pour le pays. En outre, sans prétendre faire le portrait-robot d’un candidat présidentiable, nous estimons qu’avant de voter ou participer à l’élection d’une personne au poste de Président de la République, l’électeur doit s’assurer que celle-ci dispose d’un certain nombre de qualités et de capacités qui pourraient intégrer les dix (10) énumérées ci-après :
- Avoir un projet politique consistant, cohérent et progressiste
Un candidat à l’élection présidentielle doit être un visionnaire, une personne ambitieuse et porteuse d’un projet de société. Sa vision ne doit pas être court-termiste ou adossée à des propositions inspirées d’une situation de conjoncture ou de crise. Il ne doit pas avoir le temps de s’attaquer aux autres, il doit se concentrer sur son programme, ses propositions qui visent à transformer positivement le pays en l’expliquant de façon simple, claire et convaincante. Une bonne partie des candidats à une présidentielle se contentent de faire des annonces d’actions ou de réformes sans que celles-ci ne soient intégrées dans un programme structurant qui pourrait servir de référentiel des politique publiques une fois le candidat élu. Ainsi, nous pouvons citer deux (02) exemples pertinents de programmes de développement en Afrique : le Plan Sénégal Emergent (2015 – 2035) au Sénégal et la Vision 2050 (2021-2050) au Rwanda.
- Avoir une grande capacité de travail sans se poser en homme providentiel
Une personne qui aspire diriger un pays en quête de développement doit être compétent c’est-à-dire avoir des aptitudes et connaissances certaines. En de termes simples, la compétence peut être considérée comme la capacité à mettre en œuvre des connaissances, des savoir-faire et des comportements en situation de travail. Elle s’acquiert par la pratique et comme dit l’adage c’est l’expérience qui atteste de la compétence. Mais on ne saurait apprécier la compétence d’un candidat à l’élection présidentielle sans connaitre son parcours. D’où la nécessité de mettre le curseur sur le parcours des candidats.
- Avoir de l’expérience et un vécu
Il est important voire nécessaire qu’un Président de la République, dans un pays en voie de développement, soit une personne expérimentée. Or il n’y a pas meilleur baromètre que le parcours pour apprécier l’expérience d’un candidat à une présidentielle. C’est sans doute son vécu et ses multiples rapports avec les hommes dans plusieurs domaines qui lui donneront la capacité d’assumer d’éminentes fonctions. C’est également cette diversité des expériences qui permet au candidat de pouvoir s’adapter à différentes situations, ce qui est essentiel pour un prétendant au fauteuil présidentiel. Aussi, c’est l’exemplarité ou la richesse du parcours qui démontre le savoir-faire et la compétence d’un candidat même si cela ne suffit pas pour diriger un pays. Car comme le disait le physicien et psychologue Gustave Le Bon « La compétence sans autorité est aussi impuissante que l’autorité sans compétence. ».
- Avoir de l’autorité sans être autoritaire
Le Président Barack Obama, lors de sa visite officielle au Ghana en 2009, soutenait que « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes ». Ce qui est vrai en ce sens que cela contribue à la stabilité des Etats. Cependant, s’il est clair que l’Afrique a besoin d’institutions fortes, il s’avère que le développement socioéconomique est le besoin fondamental et primordial des pays africains. Il leur faut bien des hommes forts et compétents, réunissant des qualités contradictoires en étant à la fois exigeants et bienveillants, qui savent exiger des résultats et reconnaitre le mérite. Avec le statut de pays en voie de développement et dans un contexte marqué par des défis multiples et multiformes, un prétendant au fauteuil présidentiel doit être une personne suffisamment étoffée et apte pour assumer la fonction de Président de la République.
- Avoir l’étoffe et la stature d’un Président de la République
Il n’y a certes pas de traits distinctifs d’un président de la république ou une catégorie de personnes prédestinées à cette fonction. D’ailleurs Monsieur Idrissa Seck, homme politique sénégalais, le définissait comme étant « une créature constitutionnelle à incarnation humaine variable ». Ce qui implique que sa fiche de poste est définie ou décrit dans la constitution.Cependant, il convient de dire que ceux qui aspirent occuper ce poste doivent au moins démontrer leur capacité de se mettre dans la peau de cette créature constitutionnelle et d’incarner son personnage. C’est pour cela, mis à part le projet de société qu’il porte et l’équipe qui l’accompagne, un candidat appelé à assumer la fonction présidentielle doit avoir de grandes qualités, de grandes capacités et une forte personnalité. Ces caractéristiques sont le plus souvent perceptibles pour ne pas dire visibles en ce sens qu’elles se projettent comme l’ombre du candidat à chaque fois qu’on le voit, qu’on l’entend ou qu’on pense à lui. Il doit être un leader.
- Avoir du charisme sans verser dans le populisme
Un candidat qui aspire diriger un pays doit avoir du charisme, cette qualité d’un dirigeant à conquérir, à convaincre, à influencer et à attirer les autres par ses discours, ses attitudes, son tempérament, ses actions, etc. Une telle qualité est essentielle pour un président sensé être un leader capable d’inspirer ses collaborateurs, d’influencer ses vis-à-vis et de faire adhérer ses partenaires grâce à ses aptitudes communicationnelles, sa pertinence, son empathie, ses convictions fortes et son charme. C’est avec son soft skill qu’un candidat élu président pourra convaincre son peuple à adhérer à sa vision et à coopérer pour sa matérialisation. C’est à travers son charisme aussi qu’il pourra bâtir ce fameux lien entre lui et la nation. C’est avec cela qu’il pourra aussi établir, rétablir ou renforcer la relation de confiance entre l’Etat et le peuple.
- Avoir le sens de la République et une capacité à garder des secrets
Chacun peut revendiquer son patriotisme, son amour pour le pays, son attachement à la nation mais il est établi que tout le monde n’a pas le sens de la république. Or, un candidat à l’élection présidentielle doit avoir le sens de la république dans toutes ses dimensions mais aussi avoir une bonne connaissance de l’Etat et de ses exigences. Il va de soi que quand on est destiné à être dépositaire d’un pouvoir discrétionnaire, on se doit d’être discret et d’avoir de la retenue dans ses paroles et actions. C’est pour cela qu’un homme d’Etat doit certes être transparent et sincère dans ses communications mais ne doit pour autant être tenté, au nom de cette transparence, de divulguer des secrets d’Etat, sans lesquels il n’y aurait pas d’Etat, de pouvoir ou de république. Un secret d’État peut être défini comme étant une information qui, du fait de sa teneur, ne doit être rendue publique afin de préserver la sécurité et/ou la crédibilité de la puissance publique, d’un Etat ou d’un gouvernement sur la scène nationale et internationale. En outre, un présidentiable doit avoir la capacité d’assimiler des faits de manière rapide, de s’adapter aux situations et de s’élever au-dessus des événements pour préserver l’intérêt supérieur du pays.
- Avoir le goût du résultat et le sens du travail bien fait
Un président de la république est jugé compétent ou bon sur la base de ses résultats. Quelles que soient les qualités qu’on peut lui prêter, ce sont ses réalisations, son action à la tête du pays que l’on retiendra de lui après son passage à la tête du pays. Au fait, dans un pays en quête de développement, élire un président qui n’a pas le goût du résultat, cette envie manifeste voire cette obsession de transformer et faire avancer son pays, serait le refus d’un peuple de jouir de son droit au développement. En revanche, le goût du résultat à lui seul ne suffit pas pour transformer un pays mais un président doit aussi avoir le sens du travail bien fait c’est-à-dire démontrer cette capacité à s’imposer des normes de qualité et les respecter dans le cadre de l’accomplissement de ses missions. Il doit également, grâce à sa capacité de discernement, savoir prendre des décisions qui pourront générer ou favoriser un travail bien fait.
- Avoir une bonne capacité de discernement
La capacité de discernement est cette faculté de la personne à comprendre une situation donnée et les choix qui s’offrent à elle. C’est aussi cette capacité à évaluer les conséquences de ses choix afin de prendre les meilleures décisions. C’est vrai qu’il n’est pas facile de juger de la capacité de discernement d’un candidat mais il est clair que ses prises de position, ses communications et ses actes peuvent en donner un bon aperçu. En tout état de cause, la capacité de discernement est une qualité nécessaire pour un potentiel président de la république aux regards des différentes situations auxquelles il est appelé à se frotter au quotidien et pendant toute la durée de l’exercice du pouvoir, au niveau national comme international.
- Avoir une bonne connaissance des relations internationales
Un candidat à l’élection présidentielle doit avoir une bonne connaissance des relations internationales, des enjeux géopolitiques et imaginer la place que doit occuper son pays dans le concert des nations. Pour un présidentiable, il est impératif d’avoir une bonne connaissance des relations internationales et une bonne maitrise des sujets les plus essentiels notamment les questions sécuritaires, militaires, financières, éducatives, sociales, environnementales, d’emplois, etc. Cela est déterminant pour un président car certains accords de partenariat sont décrochés en marge des événements réunissant les leaders mondiaux, les tête-à-tête entre chefs d’Etat, les débats de couloir, les échanges informels, etc. Cela requiert du charisme, du leadership et une bonne capacité de persuasion du président. En définitive, le choix d’un président de la république doit obéir à un certain nombre de critères même si ceux-ci varient d’un pays à un autre, d’une époque à une autre. Mais en tout état de cause ce choix doit être guidé par la raison car il s’agit d’élire un président dont les responsabilités s’apparentent à celles d’un pilote de ligne sauf que ce dernier transporte des passagers vers une destination donnée alors qu’un président embarque avec son peuple vers une destination qu’il doit construire.
Ismaila DIONE
Diplômé en Administration publique à l’Université nationale de Séoul
Titulaire d’un Master en Développement local (GP) à l’IADL de Thiès