L’Arnaque Auchan sur les sachets et la complicité de l’Etat

Par Habib MIMRAN

La loi sur l’interdiction des sachets plastiques est votée. Elle est passée comme lettre à la poste. L’utilisation de sachets plastiques est passible de peines lourdes. Mais cette interdiction est une pilule amère difficile à avaler par les consommateurs Sénégalais. La Grande chaine distribution Auchan n’a pas trop longtemps attendu pour porter l’estocade finale à ses pauvres clients. Ces derniers n’ont que leurs yeux pour pleurer face aux nouveaux sachets en papiers imposés et qui coutent plus chers que les sachets plastiques. Il faut débourser entre 60 frs CFA et 100 frs CFA à Auchan. Les défenseurs des consommateurs sont partagés par cette mesure.  Certains y voient un vol organisé entre Auchan et l’Etat qui n’a pas fixé de prix. Les sachets en plastiques, un autre fardeau à supporter par les consommateurs.

C’est le constat de tout habitué des boutiques Auchan à Dakar et un peu partout au Sénégal. Dès que la mesure interdisant les sachets en plastiques est tombée, le remplacement est vite fait. Par des sachets en papier. Bon pour l’environnement. Mais à quel prix ? M. Fall est dans tous ses états. Après avoir fait sa provision du jour, et au moment de passer à la caisse, la caissière lui demande de choisir entre les deux types de sachets en papier. 60F pour le petit modèle ou 100 Frs pour le grand modèle. Alors qu’il avait l’habitude de payer moins cher, seulement 25F pour celui en plastique. La surprise de M.FALL mêlée à de la frustration est partagée par la plupart des clients venus s’approvisionner dans cette grande surface à l’enseigne Auchan. Une autre dame elle aussi,  surprise,  car croyant que les sachets sont gratuits de s’offusquer,  « mon amertume et ma déception sont partagées par tous les consommateurs indescriptibles face à ce changement brusque qui ne fait que crever nos maigres ressources.

Ces coups de colère exprimés par les clients laissent pantois toutes les caissières qui n’ont aucune réponse pour satisfaire ces clients déboussolés. Certains clients ont préféré, faire contre mauvaise fortune bon cœur  en payant le prix imposé car pour eux « tous les habitués de Auchan ont constaté, impuissants, ce nouvel hôte (le sachet), nécessaire, voir obligatoire, mais cher quand même». Une autre cliente K.N, estime qu’il fallait passer d’abord par la gratuité et d’informer les Sénégalais ; pour elle, « les sachets qu’on veut nous imposer sont non seulement chers mais ne sont pas réutilisables. Les sachets en plastiques nous servaient à garder certains produits après usage, on peut les utiliser pour garder des aliments dans nos réfrigérateurs alors que le papier  est jeté aussitôt après usage. Quand je pense que je jette mon argent à chaque fois que j’utilise un sachet, j’ai envie de ne pas l’acheter ».

Certains clients ont tout bonnement refuser de tomber dans le chantage en préférant acheter les sachets en nylon à 500 frs plus résistants et réutilisables et plus économiques.  

Face à ce changement brusque dans les grandes surfaces Auchan, causant des prises de gueule entre caissières et consommateurs, nous avons interpellé les associations de Défenses des Consommateurs pour recueillir leurs avis sur la question.  Les positions diffèrent d’une association à une autre.

« Il y a un vol organisé »

Maître Massokhna KANE Président SOS Consommateurs 

Avec l’interdiction des sachets en plastiques et les consommateurs qui râlent, Me Massokhna KANE n’est pas allé par le dos de la cuillère. Pour lui, « Il y a un vol qui est organisé, non seulement les consommateurs ne sont pas avertis par Auchan, mais les prix devraient être fixés par le ministère de l’environnement en coordination avec le ministère du commerce. Et mieux   avant de les  mettre en place un arrêté conjoint devrait être sorti et il n y a jamais eu cet arrêté conjoint et malgré cela Auchan continue de vendre les sachets aux gens ».

Jetant un pavé dans la marre des consommateurs, M.Kane de poursuivre « les consommateurs ne râlent jamais quand il faut râler, Auchan volent parfois et nous SOS Consommateurs on a déposé récemment une plainte à la Direction du Commerce Intérieur pour dénoncer ces abus.

Un constat pertinent de Me Kane est que « le vol que les grandes surfaces comme Auchan font sur les clients, une fois appliqués sur la loi des  grands nombres fait des centaines de millions ». Et pire, renchérit-il, « ils volent même sur le pesé, on l’a toujours signalé mais c’est sans suite.  Les 25 frs, les 60 frs et autres petites sommes qu’Auchan débitent de la poche de ses clients sont une manne financière »

Pour le défenseur des consommateurs, les clients peuvent parfois se montrer ridicule en dénonçant ces abus mais c’est leur droit. 

Très prompts  à défendre les consommateurs Sénégalais, Me Massokhna Kane  fustige l’inaction des autorités et révèle que son organisation a enquêté sur ce fléau et même fait des constats d’huissier.

« Le consommateur est libre d’acheter ou de ne pas acheter »

Momar NDAO Président ASCOSEN

Pour Momar NDAO Président de Ascosen, « les sachets devraient être donnés gratuitement mais c’est l’Etat qui a interdit la gratuité ce qui fait que Auchan est obligés de se plier à cette décision qui fait suite à l’interdiction des sachets en plastiques.  Même si Momar Ndao reconnaît être informé au même titre que les autres consommateurs, sur la vente des sachets en papiers, il pense que « le consommateur est libre d’acheter ou de ne pas acheter ce qu’on lui vend à Auchan ». Une attitude défaitiste de ASCOSEN, qui file la patate chaude au consommateur qui se sent laisser à lui-même dans cet état de  fait où chacun défend ses propres intérêts.

Le Président de Ascosen, invite les consommateurs à changer d’attitude en ce sens qu’il n’y a aucune obligation d’achat ni une contrainte. Puis que l’Association qu’il dirige vient d’être informé, Momar NDAO a promis de creuser pour voir comment faire pour que les consommateurs ne subissent pas le diktat des grandes surfaces comme Auchan. L’Etat sera interpellé pour  alléger ce lourd fardeau et il promet d’envoyer ses agents à Auchan pour constater la situation.

« Les coûts de production déterminent les prix des sachets en papier »

Ibrahima DRAME Président de l’UNCS

Même son de cloche du coté de l’Union Nationale des Consommateurs du Sénégal, ici le constat est le même. Les conséquences de la loi interdisant les sachets plastiques se sont répercutées sur l’offre en sachets proposée par Auchan dans ses magasins.  Selon Ibrahima Dramé « les prix des sachets vendus par Auchan sont liés aux coûts de production raison pour laquelle, les prix pont atteints ces niveaux. Des discussions sont en cours pour revoir ses prix considérablement à la baisse  selon le Président de  l’UNCS.

Auchan vole des centaines de millions aux Sénégalais pour payer ses salaires

Cet argent des pauvres consommateurs soutirés indument, illégalement par  les grandes surface comme Auchan n’est destiné à aucune caisse de solidarité mais sert plutôt à autre chose. Pour Me Massokhna KANE, « cet argent ne fait qu’enrichir les patrons de ces grandes surfaces. Et ces petites monnaies multipliées,  rapportés sur la loi des grands nombres constituent des centaines de millions. Et ce sont ces sommes qui serviront à payer les salaires des employés ». Et Après, poursuit Me KANE, « ils se cachent derrière des soi-disant recrutements qu’ils brandissent alors que c’est l’argent des pauvres Sénégalais qui leur sert à le faire ». Très remonté contre ce néo-colonialisme commercial à la Française depuis l’arrivée de Auchan au Sénégal, le seul argument brandi est souvent les recrutements comme si quand on recrute des jeunes on se croit tout permis. Les Sénégalais doivent refuser cette forme de vol organisé.

Quid de la complicité entre l’Etat, les grandes surfaces et les défenseurs des consommateurs, Me Massokhna Kane prend Dieu à témoin, et balaie d’un revers de main cette accusation. Cela est faux rétorque t-il car les procès qu’il a intenté contre Auchan, Eiffage qui gère l’autoroute à péage, la Sonatel font foison.

Habib MIMRAN

Que dit la loi sur le plastique ?

Voici quelques articles de la loi sur Loi n° 2015-09 du 04 mai 2015 relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastiques de faible micronnage et à la gestion rationnelle des déchets plastiques.

Art. 2. – Sont interdites, sur toute l’étendue du territoire national, la production, l’importation, l’utilisation, la détention en vue de la mise en vente et la vente ou la distribution à titre gratuit de sachets plastiques d’une épaisseur inférieure à 30 microns.

Art. 3. – Les sachets plastiques d’une épaisseur supérieure ou égale à 30 microns, quel que soit l’usage auquel ils sont destinés, ne peuvent être distribués ou proposés gratuitement.

Un arrêté conjoint des ministres respectivement en charge du commerce et de l’environnement fixe le prix de leur cession aux utilisateurs.

Art. 4. – Les sachets plastiques d’une épaisseur supérieure ou égale à 30 microns doivent respecter les normes techniques concernant la fabrication, la composition des matériaux, l’étiquetage et l’écotoxicité fixées par un décret pris sur proposition du ministre en charge de l’environnement.

Art. 5. – Les industriels du plastique sont tenus de réduire les quantités de déchets plastiques qui peuvent résulter de leurs activités en développant, le cas échéant, des activités de valorisation des déchets issus de leur processus ou procédés de production.

Art. 6. – Les opérateurs du secteur du plastique sont tenus de proposer aux ménages et autres utilisateurs, un système de collecte ou de reprise des déchets plastiques en vue de leur valorisation, recyclage ou élimination.

Les Peines encourus

Art. 10. – La production ou fabrication de sachets plastiques en infraction aux dispositions de l’article 2 de la présente loi est punie d’une amende de 10 000 000 à 20 000 000 francs CFA et d’un emprisonnement de trois (3) mois à six (6) mois ou de l’une de ces deux peines seulement.

Art. 11. – L’importation sur le territoire national de sachets plastiques d’une épaisseur inférieure à 30 microns est une infraction douanière constatée, poursuivie et punie conformément aux dispositions du Code des Douanes.

Art. 12. – L’utilisation, la détention en vue de la mise en vente, la mise en vente et la vente ou la distribution à titre gratuit de sachets plastiques d’une épaisseur inférieure à 30 microns sont punies d’une amende de 20 000 à 50 000 francs CFA.

Si l’auteur de l’infraction est un commerçant ou un distributeur, le montant maximal de la peine est prononcé.

Art. 13. – Les opérateurs du secteur du plastique auront omis de tenir un registre ou de le présenter à première demande ou d’y porter les mentions obligatoires sont punis d’une amende de 2 000 000 à 5 000 000 francs CFA et d’un emprisonnement de un (1) jour à un (1) mois ou de l’une de ces deux peines seulement.

Au cas où le contrôle du registre fait apparaître une infraction aux dispositions des articles 5 et 6 de la présente loi, son auteur est puni d’une amende de 5 000 000 à 10 000 000 francs CFA et d’un emprisonnement de un (1) mois à trois (3) mois ou de l’une de ces deux peines seulement.

Art. 14. – Est puni d’une amende de 10 000 à 30 000 francs CFA quiconque abandonne ou jette des déchets plastiques ailleurs que dans les points de collecte ou de reprise prévus à cet effet.

En cas de récidive, le montant maximal de la peine est prononcé.

Ousmane MBAYE Directeur du Commerce Intérieur

« Il faut un équilibre entre la logique environnemental et la logique commercial »

La vente des sachets en papier est l’une des effets de la Loi sur le plastique. Joint au téléphone, Ousmane MBAYE, Le directeur du Commerce Intérieur estime que « certes c’est une bonne loi sur le plan environnemental mais elle aura des impacts sur le plan économique ». Pour lui « l’emballage en papier a un coût et plus que c’est lourd, plus c’est cher. Pour que l’emballage puisse porter des produits d’un certain poids, il faut que le grammage soit important et plus c’est important, plus c’est cher ». Un argument qui semble couper la poire en deux. Donc pour ce représentant de l’ Etat, « le Consommateur va devoir débourser pour se payer un sachet en craft ». Néanmoins, il encourage les consommateurs à privilégier les sachets en Jute certes plus chers (500 Frs) mais qui sont réutilisables. Ces sachets recommandés coûtent 500 Frs l’unité et sont plus résistants donc il est préférable pour Mr Mbaye que « ces genre de sacs soient utilisées même s’il reconnaît que le Sénégalais n’a pas cette culture d’utilisation des sacs en allant dans les grandes surfaces.

Le Ministère de l’environnement passe à la vitesse supérieure

Une grande opération est déclenchée par les agents du Ministères de l’environnement la semaine dernière en retirant tous les sachets en plastique dans les marchés et dans les grandes surfaces. Même si la mesure n’est pas en faveur du consommateur c’est une option de l’Etat et les fabricants des sachets cherchent du profil.

Selon certains observateurs avertis, « cette nouvelle mesure sur les sachets en plastique et le premier acte d’une longue série de mesures qui vont suivre.  Les consommateurs Sénégalais doivent ainsi s’attendre à d’autres incidences touchant l’environnement ». Pour eux, « la préservation de l’environnement doit  prendre en compte le niveau de développement du pays.  Le juste équilibre environnemental doit être observé car le consommateur Sénégalais qui avait à peine des difficultés à payer un sachet d’eau fera désormais face à la contrainte de se payer une bouteille d’eau. Ce qui n’est pas donné.

Régler un problème environnemental et en créer un autre

La matière première qui fabrique les sachets en plastique est le bois. Si les fabricants de sachets en papier impose leur produit sur le marché on s’achemine vers la dégradation des forêts avec une accentuation de la coupe de bois. Cette mesure  selon un spécialiste de l’environnement « est donc entrain de régler un problème environnemental pour en créer un autre. Pour lui « Si l’option est de combattre le plastique,  il ne faudrait pas  qu’on promeuve tout ce qui est emballage en papier et le papier est fait à base du bois. Ainsi les sociétés qui font les sachets verront  leurs chiffres d’affaires monter en flèche avec un impact environnemental énorme avec la déforestation en ligne de mire ». Une nouvelle piste de réflexion à exploiter.

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