L’Élevage occupe une place importante dans l’économie des pays du
sahel comme le Sénégal. L’activité est essentiellement de type extensif,
caractérisée par une mobilité des troupeaux ou transhumance, à la recherche des ressources pastorales (notamment de l’eau et du fourrage).
Cette mobilité a toujours constitué l’argumentaire qui ne militait guère en faveur d’une durabilité des établissements humains (bivouac, hameaux et villages) et par ricochet pour l’installation d’infrastructures et équipements collectifs, utiles pour garantir le bien-être des communautés pastorales, la compétitivité et la résilience du secteur.
Aujourd’hui, la vie au sein de l’écosystème pastoral de même que les systèmes de relation, jadis exclusivement organisés autour de la disponibilité des ressources naturelles, intègrent de plus en plus la disponibilité des équipements, infrastructures et services sociaux de base et marchands.
Les infrastructures ont contribué à une régulation de l’accès équitable et durable aux ressources pastorales grâce à la structuration des zones pastorales. Elles ont permis d’élaborer, à l’échelle d’une localité, des outils de planification de l’exploitation de l’espace pastoral et des techniques de gestion des ressources pastorales (hydrauliques et fourragères).
En effet, la centralité des infrastructures et équipements en général dans les dynamiques spatiales, celle des infrastructures hydrauliques en particulier constitue une constante au niveau des systèmes pastoraux.
Dans une même zone, les terroirs pastoraux étant relativement homogènes, la disponibilité fourragère est de manière générale équiprobable au sein des écosystèmes. Dès lors le facteur discriminant pour le choix dans l’installation des établissements humains demeure la disponibilité et l’accès à l’eau (mares, puits pastoraux, antennes, forages) en continue.
Par ailleurs de manière globale l’implantation des équipements et infrastructures constitue une source et un motif de reconnaissance, de légitimation et de valorisation du statut des établissements humains au sein des communautés pastorales.
Actuellement, les systèmes de polarité et les rôles dans la hiérarchie fonctionnelle des établissements humains dépendent plus de l’existence des équipements et infrastructures que de la taille démographique ou des statuts et rôles traditionnels au sein des terroirs pastoraux.
Sur un autre registre et par rapport à l’hydraulique pastorale, l’adoption des forages multi-villages avec l’installation de châteaux d’eau et les possibilités d’extension des réseaux d’adduction (avec la mise en place d’antennes, d’abreuvoirs et de bornes fontaines) constitue une opportunité d’améliorer la démocratisation de l’accès et de la gouvernance du service d’eau au sein des communautés. Cependant la complexité des systèmes et mécanismes de gestion avec cette nouvelle donne, nécessite des programmes de renforcement des capacités techniques des acteurs, pour la gestion administrative et financière, la gestion des conflits, les techniques de négociation et en démarche partenariale.
Aujourd’hui, avec une mise à disposition raisonnée et une répartition judicieuse des infrastructures et services, les amplitudes et les fréquences des déplacements sont réduites au stricte nécessaire au sein des terroirs pastoraux.
La cohabitation entre agriculteurs et éleveurs devient plus facile suite à l’aménagement de couloirs de transhumance balisés, à la réduction des défrichements incontrôlés, à l’extension abusive des terres agricoles dans les zones de parcours et l’occupation anarchique des alentours immédiats des mares pastorales, facilitant ainsi une application des textes en vigueur.
La stratégie actuelle de résilience des populations contribue à améliorer les capacités d’adaptation au changement climatique et la résilience des communautés pastorales face aux différentes crises. En effet les regroupements excessifs et autres concentrations autour des forages, des marchés hebdomadaires peuvent trouver des palliatifs par à un essaimage bien planifié et rationnel des antennes, boutiques pastorales, magasins d’aliment de bétail, parcs à vaccination etc. au sein des terroirs pastoraux.
Dans un contexte marqué par l’avancée des fronts agricoles, les changements climatiques, l’insécurité accentuée par le vol de bétail, les feux de brousse, les épizooties, il nous faut aller vers les conventions locales qui sont des outils qui favorisent la réappropriation des populations de leur terroir. Elles permettent de reposer le rapport entre les sociétés, les communautés et l’environnement en remobilisant les ressources cognitives, les mécanismes sociaux et les modes de vies ruraux dans une logique de synergie entre toutes les parties prenantes.
La Covid19 avec ses impacts nécessite un appui conséquent et des programmes ciblés pour accompagner l’économie pastorale.
Le programme de résilience économique et social ne devrait-elle pas initier des projets dans ce sens, suivant la même logique au niveau des espaces pastoraux pour atténuer les effets et impacts de la COVID19 et des changements climatiques sur les communautés affectées?
Cheikh Ahmet Tidiane DIOP : Ingénieur en Aménagement du territoire, Spécialiste en gestion des ressources naturelles et Développement durable. Email ; diopmouridcheikh@gmail.com Tel : (221) 775420325