ABV veut nourrir le monde. Le pari n’est pas fou, l’ambition est noble. «ABV, Agro Bio Vision. Un nom qui fait tilt, une vision à retenir », tel était le ressenti partagé par les organisateurs, agriculteurs et acteurs du secteur réunis hier à Dakar pour échanger sur la « révolution scientifique et industrielle africaine » dans le bio que veut apporter ABV, le sigle Agro Bio Vision.
Moussa Diagne, membre fondateur d’ABV dont il est attendu la sortie prochaine du récépissé qui en ferait une ONG reconnue de l’État sénégalais était « tout heureux » de constater la présence de plusieurs dizaines d’agriculteurs, acteurs du secteur, formatrices et transformatrices venus tous répondre à l’invitation d’une « vision commune » pour la mise en place du label ABV. « Agro Bio Vision transcende la simple notion de projet. C’est une vision, un appel vibrant à l’action pour exploiter avec sagesse les richesses naturelles de l’Afrique de l’Ouest et transformer nos terres fertiles en véritables moteurs de développement économique et social ». Le pari tient d’autant la corde que tout concourt à l’éclosion du projet et à un changement de paradigme certain attendu dans l’agriculture depuis l’arrivée de la nouvelle équipe au pouvoir, à la faveur de la présidentielle du 24 mars dernier. Du côté des membres d’ABV, on ne doute pas un instant que le Président Bassirou Diomaye Faye et son gouvernement prendront le pari « avec nous » pour une « véritable révolution scientifique et industrielle africaine dans le bio ». « Nous sommes résolument engagés à promouvoir une industrie agricole biologique florissante, à soutenir la recherche et l’innovation, tout en créant des emplois durables et des revenus décents pour nos communautés. Notre ambition est claire : mettre fin à la pauvreté, aux dépendances et à l’émigration clandestine, pour aspirer à un avenir prospère et épanouissement pour notre continent ». La présentation d’ABV se veut si ambitieuse qu’elle arrache des sourires satisfaits. Les agriculteurs diront quasiment tous dans leurs interventions que le Sénégal tient en ABV un « levier stratégique » pour l’envol de l’agriculture bio. « Le bio n’est rien d’autre que de revenir aux pratiques saines de nos grands-parents. L’enjeu est d’offrir une agriculture de qualité parce que le bio a des avantages sur notre santé et sur l’environnement. L’agriculture conventionnelle pose beaucoup de problème au niveau de notre santé et celle des sols qui se sont beaucoup appauvris. Le Premier ministre (ndlr : Ousmane Sonko) a parlé de phosphatage des sols, mais nous devons voir ça de près, car le bio peut permettre et assurer la fertilité des sols », relève Alpha Diallo, producteur. Les agriculteurs et transformatrices ont confié « tout l’intérêt que pourrait avoir le bio dans la santé des consommateurs ». « Quand nous voyons comment se détériorent les aliments que nous achetons, nous comprenons que les produits chimiques ne sont pas étrangers à leur altération. Cela est valable pour nos produits agricoles. Il y a tellement de pesticides que les aliments qu’on dit frais ne peuvent pas tenir longtemps. Ils se détériorent au bout de quelques heures, ce qui n’est pas le cas des aliments bio qui sont plus résistants », a dit Mme Samb Fatou Kiné Diop, présidente de la Fédération nationale des femmes transformatrices du Sénégal et de la diaspora (FNFTS). Les semences et engrais bio ont aussi été évoqués par les agriculteurs. Pour eux, il s’agit de « prendre un tournant historique avec l’obtention des semences et engrais bio. Si nous les avons, il est évident que l’offre agricole que nous aurons sera non seulement innovante mais encore compétitive », dira Ibrahima Ndiaye agriculteur dans le mil et le sorgho à Kaolack. Quant aux membres d’ABV, ils se sont félicités de la rencontre qu’ils ont trouvée « riches en enseignements ». « Nous avons beaucoup appris des quotidiens de ces hommes et femmes qui produisent en sachant que leurs produits souillés par les OGM qu’ils consomment sont un poison pour eux-mêmes. Nous savons aussi que nous sommes tous animés par cette même vision commune de présenter une offre bio au Sénégal, à l’Afrique et au monde, de transformer la production dans l’agroalimentaire, le textile, le cosmétique et le pharmaceutique au Sénégal. Notre vision est claire, ambitieuse, nous voulons nourrir le monde. De ce point de vue, le bio est une aubaine pour le Sénégal » Le pari du gouvernement nouvellement installé, d’arriver à la souveraineté alimentaire, trouvera certainement en ABV le partenaire idéal pour une véritable rupture avec ce qui s’est fait jusqu’ici.
Moustapha MBAYE avec JULES DIÈNE (Le Mandat)