Serigne Hamidoune Mbacké nous parle de son grand père Mame Cheikh Anta Mbacké.
Oh que c’est beau d’écrire parce que cela réunit les deux joies : parler seul et parler à une foule. Un livre qui raconte, d’une manière méthodique et « sourcer » l’histoire du grand homme. Cet ouvrage de 4 parties et 189 pages, retrace avec précision la vie de Serigne Sidy Mokhtar. Né à Porokhane entre 1866 et 1867, Mame Cheikh Anta Mbacké est le petit frère de Cheikh Ahmadou Bamba, fils de Sokhna Asta Waalo Mbacké, une sainte, une femme vertueuse. Serigne Mourtada Mbacké fils de Cheikhoul Khadim disait : « si l’Islam a connu autant de succès nous le devons en grande partie à Khadija, la femme du prophète (PSL), qui l’a aidé, réconforté dans les moments les plus sombres. Mais si la Mouridiyya est arrivée à ce niveau aussi, nous devons remercier Sokhna Anta Ndiaye Mbacké ».
Ce fils de Mame Mor Anta Saly Mbacké savait soigner sa mise, il était d’une élégance rare, il s’habillait comme un roi. On raconte qu’un jour il était vêtu d’un tissu soie turquoise pendant qu’il visitait son grand frère et guide Cheikhoul Khadim. La qualité de son manteau a laissé tout le monde sans voix et le Cheikh lui a demandé d’enlever le manteau et de le bruler séance tenante. La réponse de Mame Cheikh Anta est digne du comportement d’un talibé « pourquoi ne m’avez-vous pas donné l’ordre de mettre mon corps entier dans le feu ? » ce faisant, vous aurez la certitude que je ne suis ni un cousin moins un frère mais plutôt un esclave devant son maitre. Quelle leçon de soumission ! Mame Cheikh Anta Mbacké est paré de très nobles qualités, c’est un homme généreux, ouvert d’esprit, travailleur, fidèle serviteur du Cheikh, un des premiers bailleurs de la confrérie Mouride et un vrai disciple pour ne pas dire le 1er disciple de Cheikh Ahmadou Bamba. Il a échangé son statut de frère de sang contre celui de disciple dévoué et déterminé du Cheikh. Serigne Touba disait « lorsque Cheikh Anta s’est intéressé à moi et s’est mis à me suivre, j’ignorais la raison pour laquelle il me suivait autant qu’il l’ignorait lui-même ». Darou Salam est le 1er village créé par Cheikhoul Khadim et son amour pour ce village apparait souvent dans ses écrits, c’est l’endroit convenable pour se détacher de l’univers matériel et mieux incarner sa personnalité mystique. Et ce village bénit est légué à Mame Cheikh Anta Mbacké alors qu’il n’avait pas encore 20 ans avec un message fort : « Cheikh, je te laisse Darou Salam avec 99 talibés (un chiffre mystique). Je te demande de leur enseigner ce que je t’ai transmis en termes d’éducation. Fais de sorte qu’il travaille dans le licite. Sois indulgent avec eux. Qu’Allah t’accompagne ». Parce qu’il a appliqué les recommandations du Cheikh, que le colon le surnommait « le Grenier du Baol ». En 1919, il est considéré comme le 1er producteur agricole du Sénégal et cette année a coïncidé avec la fin de la 1ère guerre mondiale et le début d’une crise économique, sociale et sanitaire sans précèdent. La pauvreté, la peste, la famine, la sècheresse, la gale, les effets de la grippe espagnole condamnés les pays à vivre des situations douloureuses. Face à cette catastrophe historique, Mame Cheikh Anta passa une commande de 25.000 tonnes de riz qui sera ensuite distribué entièrement aux populations sénégalaises. C’était un homme bon et généreux. Il a créé après d’autres villages comme Caaxami, Touba Toul, Gawane où il avait construit l’une des plus belle maison du pays. Serigne Touba est venu l’inaugurer et dixit après la visite « la maison est très jolie ; Dieu soit loué. Mais ce n’est pas la maison d’un homme de Dieu. Comme tu es très près de mon cœur, je te permets de s’occuper seulement le rez-de-chaussée, car seul Dieu est haut ». Depuis, Mame Cheikh Anta n’a pas franchi une seule marche de l’étage. La relation de Cheikh Ahmadou Bamba et de son disciple Mame Cheikh Anta Mbacké est aussi mystique. En 1900, lors de son voyage au Gabon pour rendre visite à Serigne Touba en exil, le Cheikh lui avait prédit son exil en lui remettant un vêtement « tu le porteras au moment de ta déportation par les ennemis ». Victime de sa conviction politique ( Borom Gawane soutenait financièrement Galandou Diouf, il lui avait octroyé une enveloppe de 175000 Franc d’or l’équivalant de 875000000 millions FCFA actuellement pour lui permettre d’honorer ses engagements et de battre campagne contre Blaise Diagne. Galandou était un ardent défenseur de l’égalité africaine, il s’est opposé également à la discrimination et avait un projet politique pro-islam contre Blaise Diagne qui était devenu en septembre 1899 franc-maçon, un grand défenseur des intérêts français) et ses démêlés avec l’administration coloniale, Mame Cheikh a été déporté le 03 février 1930 de Gawane à Ségou ( Soudan français actuel Mali). Le 11 mai 1934, après avoir souffert d’une maladie mystérieuse, Blaise Diagne rendu l’âme. Galandou lui succéda et déclencha les démarches pour le retour de celui qui l’avait aidé financièrement pour l’amour de Dieu. Mame Cheikh Anta Mbacké devait faire 10 ans à Ségou, mais en aout 1934 il est libéré et rentré a Darou Salam. Sidy Mokhtar emboite le pas à son grand frère qui avait déclaré à son retour d’exil : « Je pardonne à tous les ennemis pour la Face d’Allah qui m’a protégé contre eux ». La plaidoirie de Serigne Mbacké Bousso pour soutenir Mame Cheikh Anta est puissante : Dieu te parle !
Borom Gawane est un homme de science, Serigne Touba lui a remis l’ensemble de ses écrits et reliques produits entre 1895 et 1900 au Gabon. Ce sont les 1ère œuvres du Cheikh éditées officiellement et vulgarisées dans le Mouridisme à l’exemple de Mawahiboul Qoudous, Mouqadamatul Amdaa… Le 11 novembre 1902, accostait au quai le navire Ville de Maceo qui annonçait l’arrivée du héros, Cheikh Ahmadou Bamba appela Mame Cheikh Anta, quel honneur ! quel privilège ! en larmes, Sidy Mokhtar monte les escaliers pour rencontrer son maitre, son frère, son guide, son bien-aimé, le serviteur du prophète, l’honorable, le courageux, le digne, l’homme qui a excellé sur tous les domaines. Les premiers mots de Serigne Touba furent : Cheikh je n’ai jamais trahi le pacte que j’ai signé avec Dieu, il promet à Mame Cheikh Anta une visite à Darou Salam, son village de cœur et la réception fut magistrale et digne de son rang. Depuis, la tradition est perpétuée chaque année avec la même ferveur. Et le Magal de 2021 sera organisé le 30 juin. Serigne Hamidoune Mbacké nous a aussi présenté les Khalifes de son grand père, de Serigne Modou Mamoune à Serigne Mame Mor Faty Mbacké, en passant par Serigne Tacko Mbacké, Serigne Ibrahima Mbacké Ndar, Serigne Sham Mbacké, Serigne Moustapha Mbacké et Serigne Hamidoune Mbacké, mais aussi quelques grands disciples de son grand père, El Hadji Modou Ndiaye Diop, Serigne Mor Faty Touré, El Hadji Mayoro Fall et El Hadji Ibrahima Dia.
Écrire est un acte d’amour, s’il ne l’est pas, il n’est qu’écriture. Il n’est pas meilleur témoin sur Borom Gawane que le livre écrit par son petit-fils Serigne Hamidoune Mbacké.
Merci pour ta générosité intellectuelle et ta belle plume Mbacké Balla
Par Dr Khadim Bamba Diagne Economiste